Exploration grotesque !

Publié le par mada.mitsabo

Dimanche 16 janvier

illu84L’autre jour, je discutais avec Hery, un des guides du Camp Catta. Hery est un type brillant, non seulement parce qu’à seulement 38ans il est guide de montagne, guide d’escalade, mais c’est aussi le premier moniteur de parapente de Madagascar, autant vous dire que c’est un passionné et que c’est un réel plaisir de discuter avec lui. Et puis c’est quelqu’un de simplement génial, d’une gentillesse et d’une attention remarquable, rare, parfois même un peu gênante. Bref, Hery, c’est le genre d’ami qui vous veut du bien.

Nous discutions comme souvent de randonnéesillu85 aux alentours, de montagne, d’escalade... Et pour je ne sais quelle raison nous parlions de chauves-souris (ces petits mammifères qui me passionnent tant). Je lui expliquais que j’étais déçu de n’avoir pas encore vu de roussettes depuis mon arrivée sur l’île, ces grandes chauves-souris frugivores qui sortent à la tombée de la nuit. Sur quoi il me répondit qu’il y en a dans la vallée et qu’elles dorment dans une grotte qui se trouve de l’autre côté de la montagne. Une grotte ?! ici ?!! Mais ? Je me permets de mettre en doute ses propos, histoire d’en savoir un peu plus… je le cuisine : Il n’y a que du granite ici, la probabilité de trouver une grotte dans ce massif est plutôt faible non ? Une grotte, une fissure, ou une petite caverne non?  Beaucoup de chauves-souris ? Elle se trouve loin d’ici cette cavité ? Ses informations semblent crédibles, et je le crois sur parole, tellement il déborde de sincérité Hery. Il aurait découvert cette grotte il y a quelque temps, lors d’une prospection pour un sentier, elle se situe à 1h30 de là. Il me parle de rivière, d’étroitures, de stalactites… Ok ok ok Hery. Ni une ni deux, nous nous callons une demie journée pour une petite escapade souterraine : dimanche ça sera spéléologie au programme. Je suis déjà impatient !

illu86Et voilà que dimanche arrive. Chic ! Le sac est prêt, nous prenons, nos frontales, une grosse lampe torche, et de l’eau. Hery me demande si on emmène des mangues ? Je lui réponds que c’est une bonne idée ! Je dois avouer que c’est une friandise des plus rafraichissantes, et des plus idéales pour faire le plein de vitamines en randonnée. Je le vois en mettre une dans son sac, puis deux, puis trois, puis quatre… jusqu’à remplir toute la poche de son sac. « Euh Hery ? une mangue suffira pour moi… » Il rigole, m’explique que ce n’est pas grave, il mangera le reste !
Et c’est parti, 7h du mat’, il fait déjà très chaud, je suis mon guide vers cette grotte mystérieuse… Elle se situe donc de l’autre côté des montagnes du Tsaranoro, dans une espèce de couloir de verdure, séparant le massif du Tsaranaoro, et un très grand plateau recouvert de blocs de granite atypiques (lieu que je n’ai pas encore pu voir, mais qu’il me tarde d’aller visiter). Nous contournons donc le Tsaranoro par le nord, à travers champs, en empruntant des petits sentiers abrupts tracés par la transhumance des zébus. L’avantage d’avoir un guide local, c’est quand même d’éviter de se perdre dans toutes ces traces, herbes hautes et autres obstacles en tout genre… et Hery, il les connait ces montagnes, ça en fait des années qu’il crapahute dans le coin ! Nous arrivons finalement devant notre objectif, l’entrée de la grotte. Evidemment, je ne la vois pas, elle se trouve derrière une épaisse couche de végétation, le genre d’endroit où il ne me serait jamais venu à l’esprit d’aller fouiner. Hery se fraye un passage dans cette végétation dense, jusqu’à disparaitre totalement de mon champ de vision. Bon bah je le suis, je me faufile, suivant sa trace, traversant cette épaisse barrière végétale, en faisant bien attention de ne pas confondre les lianes avec un éventuel serpent venant trouver refuge pour une petite sieste dans ce havre de paix. J’arrive progressivement dans une grande et large fissure qui descend vers une rivière. Hery est en bas, et me crie « C’est ici ! ». En l’espace de quelques secondes me voilà arrivé dans un autre monde, comme si cet étroit passage dans la végétation était une porte magique digne des plus grands films de science-fiction. Et d'ailleurs, l’endroit  est une fois de plus magique… c’est le genre de lieu où une longue inspiration suffit, pour refaire le plein d’énergie. Nous voilà en bas d’une sorte de gouffre, la fraicheur du lieu est particulièrement appréciable. La végétation ayant entièrement pris le dessus, il est impossible de distinguer le ciel. Pourtant, quelques rayons de soleil viennent percer l’épaisse couche laissant pénétrer quelques filets de lumière jusqu’au bas de la rivière. Elle coule à mes pieds, sortant d’un grand porche, puis continue dans une autre cavité bien plus étroite.

illu88Nous commençons l’exploration par la petite cavité étroite, qui s’enfonce quelques mètres en profondeur dans une large salle au plafond très bas. La rivière disparait dans la roche, elle ressort à l’air libre quelques mètres plus bas, par là où nous sommes arrivés. Nous rejoignons ensuite l’autre cavité, en remontant la rivière. Je remarque qu’à l’entrée du porche, un petit muret en pierre a été construit sur le côté. Hery m’explique qu’autre fois, des habitants venaient probablement se réfugier dans ce porche, et que c’était un mur protecteur. Nous remontons la rivière, croisant quelques écrevisses d’eau douce. La galerie est large, la rivière progresse en contournant quelques dalles effondrées du plafond, un léger courant d’air est perceptible. Les stalactites dont parlait Hery sont en fait de petits filaments de granite ne dépassant pas le centimètre. A première vue, nous restons dans un milieu très granitique, pas la moindre présence de calcaire ou de concrétion. Cette cavité est probablement le résultat d’un effondrement de dalles, ou la rivière a pu s’y glisser, mais dans tous les cas ce n’est pas l’eau qui a creusé cette grotte. Quelques mètres plus loin, nous tombons nez à nez avec quelques ossements en décomposition. Impossible de distinguer s’il s’agit d’os animaux ou humains, mais cette dernière probabilité est grande : les cavités sont ici les cimetières des habitants de la vallée mais nous sommes quand même très loin des villages. Nous progressons toujours en suivant la rivière, c’est à ce moment-là que nous rencontrons quelques chauves-souris qui viennent batifoler au dessus de nos têtes. Elles sont peu nombreuses, et de petite taille. Impossible à déterminer en plein vol, mais dans tous les cas, ce ne sont pas des roussettes ! Hery m’assure que la dernière fois qu’il était là il y en avait des centaines, voire plus, qui volaient et qu’il était même parfois difficile de voir devant soi ! Une inspection rigoureuse des plafonds est alors débutée, mais aucune grappe de chauves-souris… Hery semble consterné, il est limite au point de s’excuser ! Et le voilà parti à l’exploration de chaque petite fissure, en quête du petit mammifère volant, mais il n’en trouvera pas une. Ce n’est pas grave, probablement que la période de nidification est passée. Même si je connais très mal le fonctionnement de ces animaux sous ces latitudes, j’imagine que comme chez nous, elles n’occupent pas les cavités toute l’année. Nous continuons notre exploration pour arriver dans un cul de sac. Mais Hery connait le chemin pour accéder à la grande salle qui se trouve un peu plus en amont. Il m’emmène dans un passage bien caché, escaladant de petits blocs, et finissant par une étroite fissure verticale. Je suis impressionné. Je l’imagine venir ici seul, avec une petite lampe de poche et sa casquette, explorer très méticuleusement les moindres étroitures de cette cavité que personne ne connait à part lui. Ces gens-là n’ont vraiment peur de rien… Nous arrivons dans la dernière salle. Là encore, quelques couinements et battements d’ailes nous font deviner la présence très discrète de quelques chiroptères solitaires. Au fond de la salle, quelques rayons de lumières viennent éclairer le sol. Une étroite et longue fissure monte du plafond pour rejoindre la surface. Cela explique le courant d’air, qui était très perceptible dans l’étroiture. En y glissant ma tête, je devine que la végétation est toujours aussi dense là-haut dessus. Il y a une bonne dizaine de mètres au-dessus de nous. Nous faisons demi-tour, empruntant le même chemin, Hery est déçu de ne pas pouvoir me montrer les illu87milliers de chauves-souris qu’il avait vu la dernière fois. Même si j’avais une parfaite confiance en Hery, je dois avouer que ma prudence était de mise. Le granite est particulièrement friable, rendant le passage de l’étroiture un peu risqué à celui qui se frotterait trop maladroitement à la paroi. J’avais d’ailleurs ce matin bien prévenu les autres guides de là où nous allions et d’une heure approximative de retour. Ils me répondirent d’ailleurs « Ahhh, tu vas au tombeau des Vazahas ? » (j’aime l’humour malgache) Personne d’autre ne connaissant l’entrée de la cavité, j’avais même laissé un t-shirt avant le passage dans l’épaisse végétation… Mais un accident est toujours vite arrivé, et ici, pas de spéléo secours, pas d’hélicoptères, même pas de spéléologues…

De retour à l’entrée de la cavité, nous décidons de fouiner dans le porche. J’y trouve sur le côté, un peu plus en hauteur, les vestiges d’un vieux feu de camp, ainsi qu’une pointerolle en bois, et quelques piques plantés dans la paroi. En fouillant un peu plus, j’aperçois, posées sur un petit rebord en terre, deux pièces de monnaie argentées. J’appelle Hery pour lui faire part de ma découverte, peut-être un trésor qui sait ?! En regardant de plus prêt les pièces, il s’agit de deux pièces de 20 Ariary, la monnaie actuellement utilisée. Elles ont été frappées en 1992. Les derniers visiteurs ne semblent pas si anciens, peut-être des gardiens de zébus… Dommage, c’était assez excitant de jouer les apprentis archéologues… mais pourquoi avoir laissé ces deux pièces délicatement posées sur ce rebord ? Peut-être des offrandes en lien avec d’éventuels esprits de la grotte…

illu89Nous reprenons le chemin du retour, quittant la grotte et sa climatisation naturelle. Nous remontons le couloir entre les deux massifs, pour rejoindre une crête, sous le Karambony, un des pics accolés au Tsaranoro. Nous grimpons sur d’immenses dalles de granites, justes suffisamment inclinées pour ne pas avoir besoin de s’équiper. Le point de vue est idéal pour y faire une petite pause et manger nos mangues. La descente s’enchaine ensuite par un petit sentier qui redescend dans la falaise, puis qui traverse des prairies d’herbes bien plus hautes que moi et coupantes. C’est à ce moment-là précis que l’on comprend toute la signification du mot « suffoquer » tellement ces herbes hautes sont comparables à une fournaise. Nous arrivons pour midi au Camp Catta, Hery est en pleine forme, moi je suis à essorer. J’aurais peut-être dû manger plus de mangues. Il s’excuse encore qu’il n’y ait pas eu plus de chauves-souris, comme si c’était un peu de sa faute. Pourtant, je le crois. Alors je le rassure et le remercie tout de même, en lui disant que si ça se trouve, à l’heure qu’il est, ses amies chauves-souris sont sans doute toutes revenues de la messe.

Publié dans Les news du projet

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G
<br /> Et ton t-shirt laissé à l'entrée de la grotte ne sera-t-il pas Iinterprêté comme une offrande aux esprits, par les prochains visiteurs?<br /> Bisous Dzélé.<br /> <br /> <br />
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